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Le remboursement des prestations des psychologues en Suisse (2/2)

A partir du 1er juillet 2022, la loi suisse permet aux psychologues-psychothérapeutes qui remplissent certaines conditions de facturer leurs prestations à charge de l’assurance de base. Ainsi, il est temps pour moi de proposer un refresh de mon précédent article de blog consacré à la question du remboursement des prestations des psychologues dans notre pays. Et de déterminer ma position à l’égard de l’autonomie de mon activité en tant que psychologue-psychothérapeute.

Après l’annonce de ce changement important de paradigme, souhaité de longue date par ma profession, je me suis trouvée bien embêtée, tiraillée entre les besoins des mes patients et mon éthique professionnelle. En effet, la loi, en Suisse, permet dorénavant le remboursement des prestations des psychologues qui disposent du titre fédéral de psychothérapeute par l’assurance de base. Cela signifie à la fois que l’accès à des soins psychothérapeutiques de qualité, pour les personnes les moins fortunées, est théoriquement garanti (à moins bien sûr que leur franchise ne soit trop élevée), mais également que ce type de prise en charge est désormais soumis au contrôle social (dont la médecine moderne est finalement l’une des meilleures ambassadrices…). Je n’ai pas adhéré au Réseau suisse des thérapeutes ni tenu des positions tranchées à propos de la gestion du Covid sur LinkedIn, qui m’a valu d’en être évincée, pour ensuite accepter de retourner ma veste !

La psychothérapie déléguée à un psychologue par un psychiatre, dans le cabinet de ce dernier, va disparaître fin 2022. Dans la mesure où, depuis que j’ai quitté les institutions, je n’ai jamais souhaité travailler pour un ou une psychiatre, j’organise – et je pense – mon activité de manière totalement autonome. C’est d’ailleurs un véritable plaisir que de pouvoir travailler ainsi !
Les psychologues-psychothérapeutes disposant du titre fédéral sont très bien formés et sont capables de mener seuls de tels traitements, et ce depuis longtemps déjà : l’entrée de nos prestations dans le catalogue des soins de l’assurance de base ne semblait alors, à notre profession, que justice. C’était sans tenir compte du fait qu’il fallait devenir un rouage du système… Une prescription médicale d’abord octroyée pour 15 séances, manifestement pas trop difficilement renouvelable une fois, puis un rapport rendant compte du suivi mais aussi, forcément, un diagnostique à poser, qui sera formulé en termes psychiatriques dans la plupart des cas. L’assurance ou son médecin-conseil auraient-il accepté que je ne pose jamais de diagnostic psychiatrique (type DSM ou CIM) mais un diagnostic structurel de la personnalité, beaucoup plus pertinent et utile au traitement ? Comment aurais-je vécu de devoir remplir un compte-rendu chiffré, à la minute près, de mes échanges avec mes patients et de tous les autres postes (dont la liste se décline sur pas moins de trois pages) facturables à l’assurance ? Bref, ce type de décompte d’épicier n’est pas fait pour moi et ne rend pas justice à ma façon de travailler. Les séances que je propose durent entre 45 minutes et une heure, en fonction de ce que nous avons à traiter, et parfois l’entrevue peut se poursuivre jusqu’à 1h10, en cas de besoin, sans que je change le prix de la séance.

A noter que sur le plan tarifaire, les négociations menées par les associations représentant les psychologues-psychothérapeutes n’ont d’abord pas abouti à un tarif horaire reconnu comme valable par mes collègues. S’en est suivie une situation d’entre-deux, et un tarif qui doit être renégocié. Nous ne savons pas encore si les assurances complémentaires vont continuer à jouer le jeu à partir de 2023 et continuer d’offrir aux assurés une possibilité de couverture complémentaire pour la psychothérapie, ou si ces assurances vont renvoyer leurs patients vers l’assurance de base (certaines caisses ont commencé à les informer en ce sens).

Face à mon dilemme, j’ai donc, comme toujours, évoqué le sujet avec mes très chères collègues. D’abord entre deux portes, puis en intervision. En effet, la pratique de la supervision auprès de collègues psychologues-psychothérapeutes et l’organisation d’intervisions entre pairs garantissent la qualité de nos prises en charge. En intervision, donc, j’ai récemment eu la chance de rencontrer une collègue dûment formée à la psychothérapie dans une école en France, mais ne disposant pas du droit de pratique en Suisse. Elle exerce en cabinet privé avec succès, et ses prestations ne sont pas remboursables par l’assurance complémentaire. Et pourtant, elle arrive à tourner. Certes son tarif est moindre que le mien, mais je suis prête à en changer pour que les personnes qui paient leur suivi de leur poche puissent accéder aux soins. Par ailleurs, les suivis que je propose sont généralement assez courts, dans la mesure où la majorité des demandes des patients qui s’adressent à ma profession nécessite avant tout un très bon diagnostic de la situation personnelle et interpersonnelle, ce qui est ma spécialité. Les rares suivis au plus long cours que je mène ont un caractère existentiel, cette démarche représentant pour la personne qui consulte l’équivalent d’une relation significative et constructive qui a fait défaut dans l’enfance ou qui fait défaut à l’heure actuelle.

Mon choix est désormais fait, et il est clair : je suis une psychothérapeute et je veux faire de la vraie psychothérapie. D’ailleurs, depuis que je me suis positionnée face à deux de mes patientes qui attendaient impatiemment que mes prestations soient remboursées par l’assurance de base, chacun de ces suivis a pris une nouvelle tournure, celle de la liberté absolue et de tout ce qui en découle en termes d’autonomie personnelle, pour elles.
J’estime que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, et que l’investissement financier personnel est gage d’engagement total et de meilleure efficacité du suivi psychothérapeutique. La logique de recours à l’assurance à tout va si chère à notre pays nous positionne en situation de dépendance, alors que c’est le contraire que la psychothérapie doit pouvoir favoriser, à terme. Bien entendu, il y a celles et ceux qui ne disposent pas des moyens suffisants pour se payer un psy valable mais, heureusement, mes collègues qui acceptent d’entrer dans le système seront présents au rendez-vous pour les recevoir.

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